L’écoute

Par Noël-Jean Mazet, enseignant-chercheur en droit et éthique à l’université de Bourgogne Franche-Comté et membre de divers comités d’éthique, cofondateur et président du CESAAD.

Être à l’écoute fait partie du rôle de chaque intervenant à domicile; c’est même l’un des premiers principes qui lui est enseigné. Cela semble évident, mais demande de la délicatesse dans l’effort: il ne suffit pas d’entendre; pour bien «prendre soin», il faut être attentif à ce que dit et également à ce que montre ou tente de cacher le patient, non seulement de ses douleurs physiques, mais aussi de ses souffrances morales, de ses appréhensions, de ses peurs; le psychisme ne joue-t-il pas un grand rôle dans le bien-être et dans la thérapie?

Prendre le temps d’écouter le patient est l’un des éléments essentiels de la qualité de la relation. Cela fait partie de l’attention à l’autre, de l’observation de son état, mais n’empêche pas une lecture attentive du cahier de liaison pour prendre connaissance d’une angoisse, d’un mal invisibles au moment où l’on passe.

L’écoute est une évidence, mais recouvre une réalité multiple: elle impose parfois d’entendre des choses qui ne vous concernent pas, vous gênent, semblent n’avoir aucun intérêt, sauf que c’est parfois au détour d’une conversation, apparemment banale, que se glisse un élément important, que l’on se rend compte d’un essoufflement, d’une perte d’équilibre…

Pour la personne, «être écoutée» c’est parfois revivre, revivre ses souvenirs, mais aussi, plus simplement, avoir le sentiment de compter pour quelqu’un. Cela est particulièrement vrai à domicile, d’autant plus lorsque les aidants et la famille se font rares. Cela a encore plus de poids quand la personne ressent sa fin proche et qu’elle a peur.

L’écoute est difficile, il est capital de ne pas forcer la parole, mais de la laisser venir, sans craindre les silences; si la personne se tait, c’est peut-être qu’elle vit une émotion ou hésite à en dire plus; le silence peut mettre l’intervenant mal à l’aise alors que, peut-être, la personne profite, en se taisant, de sa «non-solitude», de la présence rassurante.

L’écoute «active» implique de reformuler avec des mots différents ce qu’adit la personne, ceci pour lui prouver qu’elle a été non seulement entendue, mais écoutée et lui permettre, éventuellement, de rectifier, de développer, d’aller plus loin, en confiance.

L’une des autres difficultés de l’écoute est curieusement de savoir y mettre fin, sans brusquerie, sa limitation dans le temps étant impérative si l’on ne veut pas désorganiser complètement le planning…

L’écoute accordée par l’intervenant à domicile est un compromis continuel entre pouvoir entendre la souffrance de l’autre et savoir interrompre ses paroles, sans le blesser et sans oublier, au moment de partir, de le rassurer quant à son non-abandon.